Violences à l’égard des femmes : une enquête sur le secteur culturel

Le mardi 25 novembre a marqué la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, soutenue par Organisation des Nations unies (ONU). À l’occasion de cette journée, le Ministère de la Culture a réaffirmé son engagement à faire de la lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels (VHSS) une priorité. Dans un communiqué, il rappelle que « parce que la culture porte les valeurs fondamentales de la société, le ministère de la Culture doit être exemplaire dans la prévention et la lutte contre les VHSS ».

Un constat alarmant dans le monde professionnel

Les chiffres évoqués par le ministère sont sans appel : selon une enquête du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), en 2021, 38,5 % des femmes déclaraient avoir subi des violences sexistes ou sexuelles dans le cadre professionnel, contre 14 % des hommes. Ce déséquilibre met en lumière l’ampleur des violences de genre en milieu professionnel, et la nécessité d’actions fortes, y compris dans des domaines comme la culture.

Une enquête spécifique pour le secteur culturel

Pour mieux cerner les violences de genre dans le secteur culturel, le ministère de la Culture a annoncé le lancement prochain d’une enquête qualitative. Réalisée en collaboration avec les services statistiques de la Place Beauvau et un laboratoire de l’Université Paris 1 Panthéon‑Sorbonne, elle s’appuiera sur les données de l’enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité ». Les résultats devraient permettre de documenter les dispositifs efficaces de prévention et de prise en charge adaptés aux spécificités du secteur.

Cette initiative fait suite à la Commission d’enquête relative aux violences dans le cinéma, l’audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité, mise en place en mai 2024. Le rapport de cette commission, rendu en avril 2025, ne portait pas — en raison du temps et des contraintes — sur le secteur de l’édition. L’enquête à venir devra combler cette lacune.

Des mesures concrètes… mais des moyens remis en question

Depuis mars 2025, le ministère de la Culture a mis en place un plan de lutte contre les VHSS. Parmi les mesures annoncées figurent la conditionnalité des aides publiques et labels sur le respect des obligations en matière de prévention, l’intégration des obligations anti-VHSS dans les textes réglementaires et contrats des structures labellisées, ainsi qu’une offre de formation dédiée aux auteurs, autrices, artistes, et agents publics comme ceux des bibliothèques.

Par ailleurs, une cellule d’écoute portée par l’organisme Audiens a vu ses horaires élargis (9h–13h, 14h–20h) dès juillet 2025. Accessible aux professionnels de l’édition et aux artistes-auteurs, elle est joignable au 01 87 20 30 90, un numéro que le ministère demande d’indiquer expressément dans les contrats de travail ou d’auteur. Depuis sa mise en place en 2020, la cellule a accompagné 500 personnes, dont 105 en 2025 seulement. Entre juillet et octobre 2025, le nombre d’appels a augmenté de 15 % par rapport à la même période en 2024.

Cependant, ces annonces se heurtent à un contexte budgétaire difficile. Le budget 2026 du gouvernement — principalement marqué par une politique d’austérité culturelle — ne prévoit pas de moyens supplémentaires pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Selon plusieurs parlementaires, le programme consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes voit ses lignes budgétaires principales réduites, malgré une hausse mécanique liée à l’aide aux victimes de violences conjugales. Ce désengagement inquiète associations et acteurs du secteur, qui redoutent pour les structures déjà fragilisées.

Pourquoi cette enquête est essentielle

La mise en place de cette enquête qualitative sur le secteur culturel est une étape cruciale. Le monde de la culture — cinéma, édition, spectacle, audiovisuel — a ses spécificités : horaires précaires, projets ponctuels, hiérarchies informelles, dépendance aux financements, etc. Ces particularités peuvent favoriser des formes de harcèlement et d’exploitation moins visibles que dans d’autres secteurs.

En s’appuyant sur des données adaptées, l’enquête permettra d’identifier les situations à risque, les mécanismes de pouvoir, les manques en prévention ou en accompagnement. Elle ouvrira la voie à des recommandations ciblées, des formations adaptées, des obligations concrètes pour les employeurs et structures, et potentiellement un meilleur accès au soutien et à la réparation pour les victimes.

La culture peut-elle être exemplaire ?

En 2025, le ministère de la Culture affirme vouloir faire de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles une priorité. L’annonce d’une enquête spécifique au secteur culturel apparaît comme un signal fort — un appel à la transparence, à l’analyse, à l’action. Mais sans moyens accrus, sans financements dédiés, sans renforcement des structures d’accompagnement, ces intentions risquent de rester des mots plus que des actes.

La Journée du 25 novembre rappelle l’urgence du sujet. Que la culture soit un reflet de la société — avec ses idéaux, ses rêves et ses contradictions — exige qu’elle soit aussi un espace de sécurité, de respect, de responsabilité. L’enquête à venir est une opportunité historique : pour documenter, comprendre, agir. Reste à espérer que les décideurs — et le monde de la culture — sauront en faire l’usage.