Théo ou les chemins du désir de Dominique Faure

Théo ou les chemins du désir de Dominique Faure
Ex Aequo
Roman
Broché : 16 euros, ebook : 3,99
ISBN : 1038806968
https://www.fnac.com/a18308104/Dominique-Faure-Theo-ou-les-chemins-du-desir#omnsearchpos=1

4ème de couverture


« Théo a 20 ans lorsqu’il quitte son Auvergne natale et poursuit ses études de lettres à Paris. Il ignore tout de la capitale où il n’a d’attaches que sa grand-tante Ange-Lise, seule personne à l’avoir toujours compris. La bourse qui lui est allouée lui permet difficilement de vivre. Entraîné par Chris, une Américaine assez délurée, Théo s’inscrit comme « animateur » sur un site de rencontre au nom éloquent, « Rencontres au septième ciel », sans trop savoir ce que recouvre la fonction… Il va devoir se créer plusieurs « profils » et deviendra ainsi Théa, une jeune femme, Florian un étudiant qui lui ressemble et Arthur, un homme beaucoup plus âgé. Si Théo se sent différent sans trop mesurer ce qui ne l’attire ni ce qui l’éloigne des autres, au fil de ses échanges sur le site il découvrira des êtres dont il n’aurait jamais pu, jusque-là, imaginer… les différences et les désirs inavouables. « Qui d’entre nous n’a jamais eu de ces attirances qui font si peur que nous nous les refusons ? La peur, la culpabilité… Il a tellement raison, Julien. C’est cela qui nous ronge. » »

Chronique

Il est des livres que l’on dévore d’une traite tant ils nous saisissent au cœur, nous chamboulent, nous bouleversent. Une fois refermés, ils nous laissent au palais, comme un vin délicat et précieux, une longueur qui perdure et que nous savourons longtemps encore. THÉO OU LES CHEMINS DU DÉSIR, roman de Dominique Faure (éditions Ex Aequo) est de ces ouvrages : il vous happe, vous hameçonne, vous entraîne dans la quête de son personnage central pendant quelques mois troublés par des rencontres virtuelles ou réelles, empêchées ou retardées par la pandémie qui frappe et confine la population de la planète. Théo est un étudiant en lettres fraîchement arrivé dans la capitale pour rejoindre la Sorbonne. Dans la ville inconnue, son seul point d’attache est une douce et bienveillante grand-tante, Ange-Lise, la si bien nommée. Le jeune homme va tenter d’arrondir ses fins de mois difficiles en devenant « animateur » pour un site de rencontre. Pour ce faire, il se crée plusieurs profils, masculins et féminins, propres à allécher celui ou celle en recherche de l’âme sœur. Un message échangé fait tomber un demi-euro dans son escarcelle. Une arnaque, à laquelle il adhère, mais les choses ne sont pas si simples : les personnes avec lesquelles il échange vont lui révéler des êtres aux désirs et aux différences qu’il ne soupçonnait pas. Parce qu’il se cherche aussi, parce que lui aussi se sent différent, sans trop savoir ce qui l’attire. Il va tisser des liens, recevoir d’incroyables confidences dans ces échanges virtuels qui deviennent relations épistolaires suivies. Déboucheront-elles sur une concrétisation des désirs, des fantasmes ? Sur une vraie rencontre qui pourrait changer le cours de sa vie après que le confinement sera levé ? Dans un style d’une extrême délicatesse et d’une précision chirurgicale dans l’analyse psychologique de ses personnages, D. Faure entraîne son lecteur dans les méandres des tourments et des émotions de ceux qui aspirent à pouvoir être vraiment eux-mêmes, à commencer par Théo. Ancrés dans un « réalisme très contemporain des situations », (comme le dit Joël Mansa dans la préface à l’ouvrage) les personnages se débattent dans leurs difficultés à pouvoir vivre leur altérité, leurs espoirs dans ce monde si peu enclin à les accueillir. Ce que fera Théo pour Julien, si attachant, qui rêve de pouvoir un jour devenir cette autre qui sommeille en lui tout en le figeant de peur et de culpabilité : « C’est seulement la peur, Théo, la peur et la culpabilité, ce qui nous ronge, ce qui nous coupe les ailes, ce qui nous maintient là où nous sommes. » (Page 160) Julien jettera-t-il le gant, poussé à ce déchirant renoncement à soi ? Notre société est encore ancrée dans ses tabous, stigmatise l’autre s’il a le malheur d’être différent, de sortir du cadre d’une « normalité » hétéronormée et décrétée au nom d’une « morale », d’où qu’elle vienne. Entre les lignes d’une palette subtile d’émotions distillées au fil du récit, l’auteur donne à réfléchir au combat à mener contre toute forme de discrimination. Les récits ciselés par Théo qui offre ainsi à Julien des bribes narratives de ce que pourrait être la transformation en Julia à laquelle il aspire sont porteurs de cette lutte à poursuivre, tout en douceur, pour un monde devenu enfin tolérant et dans lequel chaque individu pourrait être enfin libre de se vivre pleinement. Un très beau roman dont on ne sort pas indemne et dont la force, véhiculée par l’élégance et la finesse de son écriture, est de poser des interrogations profondément humanistes qui nous concernent tous.

Chronique de Julie-Anne de Sée