Avec son style nerveux, ses atmosphères denses et ses scènes qui s’enchaînent comme un montage, Julia Brandon s’impose comme l’une des autrices françaises dont l’écriture semble la plus naturellement destinée au cinéma.
VITA comme la trilogie Les Passagers partagent la même empreinte : celle d’une narration visuelle, immersive, presque filmique, où chaque chapitre agit comme une séquence pensée pour être vue autant que lue.
Mais qu’est-ce qui rend ses romans si “adaptables” ? Pourquoi les lecteurs évoquent-ils, presque instinctivement, un film en tournant les pages ? Décryptage.
Une écriture visuelle : le pouvoir de l’image dans le texte de Julia Brandon
Julia Brandon écrit comme on cadre une scène.
Ses descriptions, courtes mais incisives, capturent des instants précis : une respiration saccadée, une pièce plongée dans une lumière instable, un regard fuyant, un geste qui en dit plus que des paragraphes entiers.
Dans VITA, cette dimension visuelle éclate dès les premières pages :
les tableaux de Jonas, l’éclairage vacillant, les scènes de tension presque théâtrales.
Chaque image frappe l’esprit comme un plan fixe, un mouvement de caméra ou un ralenti symbolique.
Dans Les Passagers, le procédé se renforce : les voyages temporels, les rues anciennes, les scènes de confrontation ou d’introspection semblent pensées pour une adaptation, tant elles sont sculptées dans la matière même du visuel.
Des chapitres rythmés comme des séquences
L’un des traits les plus marquants de son écriture réside dans la structure :
chapitres courts, cadence vive, alternance entre tension et respiration, comme dans un scénario.
Ce rythme épouse parfaitement les codes d’une série ou d’un film :
- chaque chapitre = une scène ;
- chaque révélation = un cliffhanger ;
- chaque émotion forte = un plan serré émotionnel.
Ce n’est donc pas un hasard si la presse évoque fréquemment Nolan, Villeneuve ou des constructions narratives proches de l’audiovisuel.
Julia Brandon ne raconte pas seulement une histoire : elle orchestre un déroulé narratif.
Des personnages charismatiques et complexes : matière idéale pour l’écran
Impossible de parler d’adaptation sans évoquer ses personnages, dont le relief émotionnel constitue un moteur évident pour un acteur ou un réalisateur.
Dans VITA :
- Automne, fragile mais déterminée, porte en elle toute la dramaturgie d’un arc de reconstruction ;
- Jonas, artiste tortionnaire, offre le contrepoint parfait en incarnant la folie créatrice ;
- Christ, figure lumineuse mais tourmentée, représente la tension entre salut et fatalité.
Dans Les passagers :
- Gustave, en perte d’identité, est un rôle psychologique intense, fait pour le cinéma ;
- Auguste, trouble et fascinant, pourrait voler la scène dans n’importe quelle adaptation ;
- Huŏ, enquêteur méthodique, apporte le réalisme nécessaire à un thriller.
Chaque personnage est écrit comme un rôle : clair dans son intention, riche dans ses nuances, et capable d’évolution dramatique.
Une narration qui épouse les codes du thriller et du fantastique
Julia Brandon associe souvent :
- fantastique discret,
- tension psychologique,
- réalisme émotionnel,
- symboles visuels,
- mystère progressif.
Ce mélange, déjà très présent dans les œuvres audiovisuelles contemporaines, rappelle les séries à succès qui mêlent intime et surnaturel (Dark, The OA, True Detective).
Elle joue avec la frontière entre le réel et l’inexpliqué — terrain idéal pour un réalisateur souhaitant proposer une œuvre à la fois stylisée et profonde.
Dans Prescience, par exemple, la question du double, de l’identité fragmentée, du passé qui resurgit, tout cela évoque immédiatement des films psychologiques construits sur la distorsion du réel.
Une œuvre déjà en route vers l’écran
Dans le cas de Les Passagers, ce potentiel ne se limite pas à une impression :
un scénario d’adaptation est déjà écrit.
Preuve que la logique cinématographique perçue par les lecteurs trouve un écho concret dans le milieu de l’audiovisuel.
La présence d’une lecture augmentée (QR codes, musiques originales, frises temporelles) confirme également que l’autrice pense déjà ses univers comme multimédias, ouverts à des extensions visuelles ou interactives.
Une écriture prête pour la lumière des projecteurs : Julia Brandon
Si les romans de Julia Brandon semblent si facilement transposables à l’écran, c’est parce que son écriture contient déjà les ingrédients essentiels :
- le rythme du cinéma,
- les images fortes,
- la tension dramatique,
- les personnages incarnés,
- la profondeur thématique,
- le mystère narratif.
Julia Brandon n’écrit pas seulement pour être lue.
Elle écrit pour être ressentie.
Et ce type de littérature, organique et visuelle, n’attend souvent qu’une chose :
être projetée.
Crédit photo : ©studiocabrelli