Alors que la santé mentale devient une priorité nationale, les librairies françaises sont appelées à jouer un rôle crucial dans l’accès à une information fiable et scientifique. Une mission qui implique une vigilance accrue dans le choix et le classement des ouvrages proposés au public.
Santé mentale : un enjeu collectif qui passe aussi par les rayons des librairies
Depuis plusieurs années, la santé mentale s’impose comme un sujet majeur dans le débat public. Crise sanitaire, isolement social, précarité : les causes d’un mal-être généralisé sont nombreuses. Face à cela, les librairies, lieux de savoir et de partage, peuvent devenir des relais importants pour informer, orienter… ou, à l’inverse, induire en erreur.
C’est en tout cas l’alerte lancée par des professionnels du secteur de la santé mentale, à l’image du psychiatre Hugo Baup ou de la psychologue Gladys Mondière. Dans une lettre ouverte adressée au Syndicat de la Librairie française (SLF), ils appellent à une prise de conscience : trop souvent, les ouvrages de psychologie sérieuse sont juxtaposés à des livres de développement personnel douteux, sans distinction claire pour les lecteurs.
Le défi du classement : entre science, coaching et croyances
Le cœur du problème réside dans la confusion des genres. Dans de nombreuses enseignes, on retrouve côte à côte des ouvrages issus de la recherche scientifique, des manuels de coaching personnel, voire des textes ésotériques ou pseudo-thérapeutiques. Cette proximité entretient une ambivalence qui nuit à la légitimité de la psychologie en tant que discipline fondée sur des preuves.
À titre d’exemple, le livre du psychiatre Hugo Baup peut se retrouver en rayon à côté des best-sellers de Lise Bourbeau, figure controversée du développement personnel. Cette dernière est régulièrement citée par la Miviludes pour ses dérives à tendance sectaire. Le risque ? Une banalisation de discours non fondés, voire potentiellement dangereux pour les lecteurs vulnérables.
Une responsabilité partagée entre éditeurs… et libraires : la santé mentale
Comme le souligne Ingrid Ledru, membre du conseil d’administration du SLF, les éditeurs ont la main sur la catégorisation initiale des ouvrages. Mais ce sont bien les libraires qui décident de leur place physique en boutique. Dès lors, leur rôle ne se limite pas à la vente : ils deviennent aussi des médiateurs de la connaissance. Certains, à l’image de la librairie Le Livre en Fête à Figeac, choisissent d’exclure les rayons ésotériques pour éviter toute confusion.
Le SLF rappelle de son côté que ces dérives concernent surtout la grande distribution culturelle, et insiste sur l’importance de séparer les livres fondés sur la recherche de ceux qui relèvent de l’opinion ou de la croyance.
Vers un engagement plus fort pour la santé publique ?
Si la pétition lancée par les professionnels n’a recueilli “que” 1 200 signatures, elle a permis d’ouvrir un débat salutaire. Dans un contexte où les problématiques de santé mentale touchent de plus en plus de Français, les librairies peuvent devenir un levier puissant pour promouvoir une information fiable et responsable.
Reste à espérer que cet appel sera entendu, et que le monde du livre, de l’édition à la vente, s’engagera plus largement dans cette mission d’utilité publique.