Le choix de l’oranger de Gabriel Kevlec

LE CHOIX DE L’ORANGER

Gabriel KEVLEC

Genre : Roman d’amour

Prix : 3,99€ E-book / 22€ Broché

Résumé / synopsis

« « Samaël Kerléo, vingt-quatre ans, plus ou moins prof, monstre, moitié d’homme ». C’est ainsi que Samaël se serait présenté s’il ne s’était pas enfermé dans un empire de solitude après son agression. Alors qu’il ne se nourrit plus que de rêves et de poésies, réfugié derrière ses écrans ou dans les forêts qu’il arpente inlassablement, deux hommes vont venir ébranler son monde. À l’hôpital, il croise Ferréol, un infirmier tout en lumière et assurance, et qui porte l’écarlate de la passion et du sexe en bandoulière. Sur Twitter, la douceur des mots et des images de Manoé le bouleverse, et l’alchimie explose en mille nuances azur. Deux rencontres. Deux couleurs. Deux graines d’histoires qui germent ensemble dans la poitrine d’un homme à qui jusqu’alors tout manquait. Tiraillé entre réel et virtuel, écartelé entre rouge et bleu, Samaël est incapable de faire un choix. André Gide l’a écrit : choisir, c’est renoncer. Ce qu’il a oublié de préciser, c’est que choisir, c’est parfois la chose la plus difficile au monde. Et qu’un cœur, ça peut être grand comme une place publique. »

Avis du chroniqueur sur Le choix de l’oranger

Samaël est « excessif. Fleur bleue. désespérément romantique (…) Il ne tombait pas  amoureux  : il se cassait la gueule, il sombrait, il coulait, il se noyait… » (p.68)

Mais le « petit oranger« , comme l’appelle Manoé, l’amour de « l’inframonde » -celui des échanges virtuels- a la gueule et le corps cassés, cabossés, à l’instar de la déconstruction picturale de Bacon quand il fait le portrait de Michel Leiris, œuvre qu’affectionne cet antihéros en m(â)al(e) d’amour, en trop-plein d’amour.

Sa reconstruction, sa réassurance en lui-même va ressembler à un chemin initiatique semé d’épreuves. Le « poussin« , « l’ange » (aux ailes rognées) si abimé, passera par toutes les affres du « (…) poids de la culpabilité » (p. 168) face à l’impossible choix, parce qu’il aime deux hommes qui sont tout aussi fous de lui. Un triangle amoureux ou l’un est celui de trop, auquel il faudrait renoncer ?

Peut-on aimer d’amour deux êtres que l’on ne peut ni ne veut blesser, quitte à sombrer soi-même ?

Deftones et ses rythmiques syncopées beugle « This is no ordinary love » ; et Ferré vient de sa voix veloutée enfoncer le clou dans les tripes et l’âme du jeune homme en perdition : « Je vous aime d’amour« . Ce roman, qui aurait pu n’être qu’un énième et vulgaire vaudeville aux accents érotico-pornographiques saisit le lecteur à bras-le-corps, l’entraînant dans un objet littéraire puissant, touffus, ciselé, taillé, poli comme une gemme précieuse.

Dialogues, poèmes, envolées lyriques : tout est bon à Gabriel Kevlec pour raconter l’amour en jouant avec virtuosité sur tous les registres d’une écriture sensuelle, à fleur de peau, envoûtante comme la voix si suave de Melody Gardot. (p. 202)

Tous les sens des personnages et du lecteur sont sollicités : on est éclaboussé de couleurs, rouge et bleu (si symboliques dans le récit) , on a le tympan mis à mal par la voix de Marylin Manson (p. 196) tandis que se succèdent les râles de plaisir, dans les clapotis des bruits de baisers, mouillés de sueur, de sucs et des langues qui se cherchent, éclairées de la seule nuit étoilée de Van Gogh.

On palpite, on s’émeut et on frissonne en devenant voyeur des peaux dénudées, caressées, on a envie de pleurer quand les larmes coulent sur la joue du si gracile Samaël, on éprouve la douceur apaisante des ronronnements de Manson, son chat.

Les mots, enfin, ceux de l’auteur, choisis, ciselés, mais aussi ceux que s’offrent les amoureux, cadeaux comme des friandises fondantes en bouche, dégustées à petites bouchées gourmandes alors que le corps frêle et fracassé n’est que douleurs.

Il faut savourer ce roman d’amour, sublimé par le style … coruscant de Kevlec.

C’est un nécessaire et bienfaisant shot de dopamine.

Chronique de Julie-Anne de Sée :  Facebook