Au Colorado, la librairie Born Again Used Books attaque la loi Kelly Loving, qui protège les personnes transgenres, au nom de la liberté religieuse. Un nouvel épisode dans la bataille juridique entre droits civiques et liberté de conscience.
Une librairie face à la loi
Le 17 juillet 2025, les propriétaires d’une petite librairie chrétienne du Colorado, Born Again Used Books, ont engagé une action en justice retentissante. Accompagnés des avocats de l’organisation conservatrice Alliance Defending Freedom (ADF), ils contestent la Kelly Loving Act, une loi anti-discrimination adoptée récemment pour renforcer la protection des personnes transgenres dans l’État.
Promulguée en mai 2025, cette loi – nommée en hommage à une victime transgenre de la fusillade du Club Q en 2022 – interdit explicitement le « misgendering » (assigner un mauvais genre) et le « deadnaming » (utiliser l’ancien prénom d’une personne trans), considérés comme des formes de discrimination. Or, Eric et Sara Smith, les libraires, estiment que ces dispositions violent leurs convictions chrétiennes, protégées par le Premier Amendement de la Constitution américaine.
Une croisade idéologique et juridique
Pour les plaignants, l’obligation d’utiliser des pronoms ou titres en accord avec l’identité de genre déclarée reviendrait à cautionner une idée qu’ils jugent contraire à leur foi : celle selon laquelle le genre pourrait être choisi ou modifié. L’argumentaire, relayé par l’ADF, va plus loin en affirmant que cette loi porterait atteinte à leur liberté d’expression, à leur identité religieuse, et à leur liberté commerciale en tant que librairie indépendante.
Cette action judiciaire s’inscrit dans une série de procès conservateurs visant les législations « woke », accusées de restreindre la liberté de conscience. Elle fait également écho au précédent du Masterpiece Cakeshop, une pâtisserie du Colorado qui avait refusé de faire un gâteau pour un couple homosexuel en 2012, et dont le combat avait atteint la Cour suprême des États-Unis.
Une polémique dans un climat tendu
Ce nouveau recours judiciaire intervient dans un contexte de tensions croissantes autour des droits LGBTQ+ aux États-Unis. Ces dernières années, de nombreux textes progressistes ont été attaqués par des organisations religieuses ou conservatrices, qui invoquent leurs croyances ou la liberté d’entreprise.
Le cas de Born Again Used Books soulève une question plus large : une librairie peut-elle, au nom de la religion, refuser d’adapter son langage ou ses pratiques aux évolutions légales sur l’identité de genre ? Dans leur plainte, les libraires défendent une vision éditoriale « chrétienne », estimant qu’il leur est impossible de promouvoir des valeurs contraires à leur foi dans leur propre établissement.
Un débat entre droits individuels et libertés collectives grâce à cette librairie
Derrière ce contentieux, se cache un débat plus vaste sur l’équilibre entre droits civiques et libertés religieuses. La Kelly Loving Act représente un tournant législatif pour les droits des personnes transgenres, en reconnaissant des formes de discrimination jusqu’ici rarement prises en compte par la loi. Mais elle se heurte, comme d’autres réformes progressistes, à une partie de l’opinion américaine attachée à une lecture plus conservatrice de la Constitution.
À travers cette plainte, c’est aussi le rôle des librairies dans la société américaine qui se redessine : simples commerces ou lieux porteurs d’une vision idéologique ? Une chose est sûre : le procès à venir pourrait bien devenir un nouveau symbole dans la guerre culturelle que se livrent les États-Unis depuis plusieurs années.