Depuis novembre 2024, Amazon propose en France le retrait gratuit de livres commandés en ligne via ses casiers automatisés. Une pratique qui remet en question l’esprit de la loi Darcos, votée en 2021 pour protéger les librairies indépendantes face aux géants du commerce numérique.
Une stratégie controversée pour contourner la loi
La loi Darcos impose des frais de port minimum de 3 € pour toute commande de livres en ligne inférieure à 35 €, sauf si les ouvrages sont retirés dans un commerce de vente au détail de livres. Or, Amazon estime que ses lockers, souvent situés à proximité ou à l’intérieur de supermarchés ou de lieux publics, remplissent cette condition. Une lecture juridique que le médiateur du livre, saisi par la ministre de la Culture Rachida Dati, conteste formellement.
Un désaccord juridique de fond avec Amazon
Le médiateur juge que les lockers ne peuvent être assimilés à un commerce, même s’ils sont installés dans des lieux vendant des livres. Le retrait y est autonome, sans interaction humaine, ce qui ne correspond pas à l’esprit de la loi. Amazon, de son côté, parle d’interprétation biaisée de la réglementation et maintient sa politique de retrait gratuit via ses casiers.
Un défi pour l’équité entre les acteurs du livre
Alors que la grande majorité des vendeurs en ligne et des librairies respectent la loi, le maintien de cette pratique par Amazon constitue le principal obstacle à son application. Le médiateur a souligné la difficulté de contrôler les points de retrait d’Amazon, puisque la société n’a pas précisé clairement quels casiers sont situés dans des commerces de livres.
Un bras de fer aux implications européennes & Amazon
Face au flou juridique, un recours a été déposé par Amazon devant le Conseil d’État, qui a saisi la Cour de justice de l’Union européenne. Cette instance devra trancher sur la légalité de l’arrêté encadrant les frais de port du livre, au regard du droit européen.
Une loi déjà efficace… mais fragilisée
Malgré ce différend, la loi Darcos a déjà eu des effets positifs. En 2024, la part de marché des librairies indépendantes est passée de 23,7 % à 26,8 %, tandis que celle des ventes en ligne, notamment sur Amazon, a reculé. Pour le Syndicat de la librairie française, le comportement d’Amazon menace non seulement les libraires, mais aussi l’équilibre de toute la chaîne du livre.
Le débat autour du retrait gratuit de livres en casier illustre les tensions croissantes entre les plateformes de e-commerce et les défenseurs de la bibliodiversité. À l’heure où l’écosystème du livre cherche à se rééquilibrer, la position d’Amazon pourrait bien être décisive dans la manière dont les lois futures seront écrites… ou contournées.