La SACD a décidé d’assigner TikTok en référé devant le tribunal judiciaire de Paris. Après quatre années de discussions restées sans accord, l’organisme reproche à la plateforme de diffuser « des œuvres protégées relevant de son répertoire » — séries, films, dessins animés — sans autorisation, et sans proposer « de contreparties acceptables » pour les auteurs et autrices. Cette absence de contrat et de rémunération valide, selon la SACD, place TikTok en situation de contrefaçon.
En conséquence, la SACD réclame réparation du préjudice subi ainsi que la communication du chiffre d’affaires de TikTok, outil nécessaire pour calculer les droits d’auteur dus.
Œuvres concernées : du dessin animé jeunesse au cinéma culte
Dans le viseur de la SACD figurent des extraits, dialogues ou scènes issues de très nombreuses œuvres. Parmi elles : des films comme ceux de la saga Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, ou des comédies populaires comme OSS 117 ou Brice de Nice, ainsi que le film choral Les Choristes. Les contenus incriminés ne se limitent pas au cinéma : des dessins animés pour enfants — notamment Petit Ours Brun — ainsi que des extraits de spectacles humoristiques ou de séries télévisées sont également cités.
Ce vaste éventail témoigne de l’ampleur du répertoire concerné : le domaine du spectacle vivant, de l’audiovisuel, du cinéma et du web, tous potentiellement exploités sans accord par des utilisateurs de TikTok.
Un enjeu de droits d’auteur face à l’ubiquité du partage
Depuis son développement, TikTok s’est imposé comme un lieu de diffusion massive de contenus — clips, extraits de films, d’émissions, d’animations — remis en circulation par les utilisateurs. Pour la SACD, cette viralité ne peut pas se faire au détriment des droits des créateurs. En l’absence de licence ou d’accord collectif, ces partages constituent selon elle une violation des droits d’auteur.
L’assignation de la SACD marque donc une étape décisive : il s’agit d’obliger la plateforme à rendre des comptes, à rémunérer les auteurs ou à retirer les œuvres protégées. La réclamatation d’un audit des revenus de TikTok traduit également une volonté de transparence, nécessaire pour calculer les compensations dues aux ayants droit.
Une audience fixée à 2026 — un procès symbolique en perspective
Bien que la procédure juridique ait débuté fin 2025, la première audience est programmée pour le 18 mars 2026. Elle constituera un test important : un jugement en faveur de la SACD pourrait radicalement modifier les pratiques des plateformes de partage de contenus, en imposant des accords plus stricts avec les sociétés de gestion collective.
Pour les créateurs — auteurs, réalisateurs, compositeurs, ayants droit — l’enjeu est clair : éviter que leurs œuvres deviennent gratuites et jetables, victimes d’une bulle de partage numérique sans contrepartie.
Entre streaming, réseaux sociaux et respect du travail créatif
Ce procès intervient à un moment où le modèle économique du numérique vacille sous les critiques : dilution des revenus, piratage, exploitation des œuvres en flux continu, monétisation par la publicité ou les algorithmes. Dans ce contexte, la démarche de la SACD rappelle la nécessité de protéger la chaîne du livre, du film et du spectacle — non seulement sur le plan légal, mais aussi éthique.
Pour les plateformes comme TikTok, cela signifie qu’il ne suffit pas d’offrir un espace d’expression et de divertissement : elles doivent aussi assumer la responsabilité culturelle de ce qu’elles diffusent.
Un tournant pour les droits d’auteur à l’ère du contenu viral
Le bras de fer engagé entre la SACD et TikTok pourrait constituer un procès-pilier pour la protection des œuvres à l’ère du numérique. Si la justice donne raison aux auteurs, ce verdict pourrait contraindre les plateformes à revoir leur gestion des droits, à instaurer des licences obligatoires, et à repenser la monétisation du contenu dans le respect de ceux qui le créent.
À terme, c’est tout le rapport entre culture, partage et rémunération qui pourrait évoluer. Pour l’instant, l’affaire n’en est qu’au début — mais elle a déjà le goût d’un tournant.