Face aux commissions culture du Sénat et de l’Assemblée nationale, la ministre de la Culture Rachida Dati a défendu le projet de loi de finances 2026, marqué par une rigueur budgétaire inédite. Entre rationalisation des crédits, inquiétudes autour du CNL, encadrement d’Amazon et régulation de l’intelligence artificielle, la ministre assure maintenir une « ambition culturelle forte », malgré la contrainte de l’austérité.
Un budget en baisse mais une “ambition maintenue”
Le budget 2026 du ministère de la Culture s’élèverait à 8,3 milliards d’euros, incluant les crédits de l’audiovisuel public. Un chiffre que la ministre qualifie de « haut niveau d’ambition », même s’il reste inférieur au budget 2025 (8,69 milliards).
Rachida Dati a tenu à rappeler que la culture devait rester une politique régalienne, essentielle à la cohésion nationale et à la transmission des valeurs républicaines :
« La culture est un pilier de notre identité, une valeur de la République », a-t-elle affirmé devant les sénateurs.
Si certaines lignes budgétaires sont revues à la baisse, la ministre défend la priorité donnée au programme 131 “Création”, doté de 1,08 milliard d’euros, dont 450 millions consacrés aux territoires.
Grands projets et lecture publique : un engagement maintenu
La ministre a tenu à rassurer le secteur : les baisses globales n’impacteront pas les grands projets nationaux. Parmi eux :
- Le pôle de conservation de la Bibliothèque nationale de France à Amiens,
- Le relogement de la Bibliothèque publique d’information lors de la rénovation du Centre Pompidou,
- Et la création de la Maison du dessin de presse, dont l’ouverture est prévue pour 2027.
Côté lecture publique, la rue de Valois met en avant 83 contrats départementaux lecture signés en 2025 et 250 projets d’extension d’horaires de bibliothèques soutenus. Objectif : généraliser l’accès à la lecture sur tout le territoire et réduire les « angles morts culturels ».
« Il faut aller vers ceux pour qui le livre ne fait pas encore partie du quotidien », a insisté la ministre, évoquant les bibliothèques itinérantes et les futures conclusions des États généraux de la lecture, attendues au Salon du Livre Jeunesse de Montreuil.
Le CNL dans la tourmente budgétaire
Parmi les sujets les plus sensibles : la baisse du financement du Centre national du livre (CNL), évaluée entre 4 et 5 millions d’euros.
Le rapporteur parlementaire Philippe Ballard (RN) a dénoncé un « désengagement préoccupant ».
Rachida Dati, elle, tempère :
« Le CNL dispose d’une trésorerie de 18 millions d’euros qui lui permettra de poursuivre ses missions. »
Un rapport sénatorial récent évoque toutefois la possibilité d’une restructuration du CNL, avec une reprise partielle de ses compétences par le ministère, pour « rationaliser » l’action publique et supprimer les doublons entre opérateurs.
Une hypothèse qui alimente les inquiétudes des acteurs du livre, déjà fragilisés par les coupes dans les aides territoriales.
IA et droit d’auteur : la ministre Rachida Dati se pose en gardienne de la souveraineté culturelle
Autre dossier brûlant : l’intelligence artificielle et ses conséquences sur les droits d’auteur.
Rachida Dati a réaffirmé sa détermination à encadrer les pratiques des développeurs d’IA générative :
« Si les discussions n’aboutissent pas, je prendrai mes responsabilités pour faire respecter le droit d’auteur. »
Elle évoque même une possible inversion de la charge de la preuve, afin de contraindre les entreprises d’IA à démontrer qu’elles respectent le droit d’auteur.
Une mesure qui, si elle voyait le jour, ferait de la France l’un des premiers pays à instaurer une telle règle protectrice pour les créateurs et ayants droit culturels.
Le bras de fer avec Amazon
Enfin, la ministre a abordé le conflit avec Amazon, soupçonné de contourner la loi sur le prix plancher des frais de port en offrant la livraison gratuite via ses casiers automatisés.
« À chaque fois, ils trouvent l’angle mort du dispositif », a reconnu Dati, saluant la vigilance du Parlement.
Une révision du texte porté par Laure Darcos (auteure de la loi sur les frais de port) est actuellement à l’étude afin de clarifier les zones grises du dispositif et de préserver l’équilibre entre librairies indépendantes et plateformes en ligne.
Entre rigueur et résistance culturelle
Le projet de loi de finances 2026 illustre une tension forte : maintenir un rayonnement culturel français dans un contexte d’austérité budgétaire.
Rachida Dati revendique une stratégie de « rationalisation », mais promet que ni les territoires, ni les lecteurs, ni les artistes ne seront abandonnés.
« L’État doit rester exemplaire sans se substituer aux collectivités. »
Reste que la réduction du budget du CNL, la fragilité des acteurs du livre et les arbitrages en faveur de la création territoriale laissent planer un doute : la culture pourra-t-elle continuer à “rayonner” avec moins de moyens ?