Un livre sur la mafia marseillaise déclenche une enquête judiciaire

La publication du livre Tueurs à gages – Enquête sur le nouveau phénomène des shooters (Flammarion, 2024), écrit par trois journalistes, a provoqué l’ouverture d’une enquête judiciaire en rapport avec la mafia marseillaise. Le parquet de Marseille a annoncé, ce lundi 21 octobre 2024, avoir lancé une enquête préliminaire suite à la parution de ce livre, qui met en lumière les pratiques violentes du narcotrafic marseillais, et plus particulièrement les agissements de la DZ Mafia. Les auteurs du livre, Jean-Michel Décugis, Vincent Gautronneau et Jérémie Pham-Lê, font face à une enquête pour une possible violation du secret de l’enquête ou de l’instruction, mais pourraient aussi être poursuivis pour recel.

Une enquête sur la DZ Mafia et l’usage des réseaux sociaux

Le livre se concentre sur le phénomène des « shooters », des tueurs à gages recrutés sur les réseaux sociaux pour exécuter des contrats. L’ouvrage met particulièrement en lumière la DZ Mafia, l’un des principaux clans criminels de Marseille, connu pour régner par la violence dans la cité phocéenne. L’enquête des journalistes décrit comment ce groupe utilise Snapchat pour recruter de jeunes hommes, comme Matéo, un jeune de 18 ans soupçonné d’avoir vendu ses services de tueur à gages sur la plateforme. Le livre souligne également que la rémunération des tueurs était parfois liée à la viralité des vidéos de ces exécutions, diffusées sur les réseaux sociaux.

L’enquête confiée à l’IGPN

La police des polices (IGPN) a été chargée de mener cette enquête. L’objectif est de déterminer si la publication du livre viole le secret de l’enquête ou de l’instruction en cours concernant les activités du clan marseillais. En effet, le livre aurait révélé des informations sensibles, comme l’identité de présumés chefs de la DZ Mafia, ainsi que des éléments liés à des plaintes en cours. Ces divulgations ont provoqué la colère des autorités judiciaires et des forces de l’ordre, qui estiment que cette publication pourrait compromettre des enquêtes en cours et mettre en danger les journalistes eux-mêmes.

La défense des journalistes

Les trois journalistes se sont défendus dans un communiqué, soulignant qu’ils n’ont fait que leur travail d’investigation. « Nous documentons un phénomène de criminalité organisée d’intérêt public, et nous le faisons dans le respect de notre rôle de journalistes », affirment-ils. Jean-Michel Décugis, qui est spécialisé dans les affaires judiciaires, a expliqué dans une interview à France 3 : « Cela fait 30 ans que je suis journaliste, et je viole le secret de l’instruction dans l’intérêt du public. Le journaliste n’est pas tenu au secret de l’enquête. Nous ne faisons que raconter des phénomènes de société. »

Cette affaire rappelle d’autres cas où la presse a été mise en cause pour avoir divulgué des informations sensibles. En 2019, Mediapart avait également été visé par une enquête après la diffusion de conversations compromettant l’affaire Benalla.

Liberté de la presse et enquêtes sensibles

Cette situation relance le débat autour de la liberté de la presse et des limites que les journalistes doivent respecter en matière de divulgation d’informations judiciaires. D’un côté, les journalistes revendiquent leur droit à informer le public sur des sujets d’intérêt général, en exposant des faits qui pourraient rester dans l’ombre sans leur intervention. De l’autre, les autorités judiciaires dénoncent une violation du secret de l’instruction, estimant que ces divulgations peuvent entraver le bon déroulement des enquêtes.

Cette affaire est surveillée de près, car elle pourrait bien entraîner un nouveau débat sur le rôle des journalistes dans la couverture des affaires criminelles et sur les limites entre information et protection des enquêtes judiciaires.