L’impact du prêt de livres numériques sur l’industrie du livre en France

Le prêt de livres numériques est devenu un phénomène de plus en plus populaire en France, offrant aux lecteurs une alternative pratique aux livres imprimés. Mais quelles sont les répercussions économiques de cette pratique sur le marché du livre ? Une récente étude de l’Observatoire du Livre Numérique met en lumière les effets potentiels sur les ventes, les auteurs, et les éditeurs.

Une baisse des ventes de livres constatée

Selon les résultats de l’étude, l’adoption croissante du prêt numérique a entraîné une diminution des achats de livres par le grand public. En 2023, les utilisateurs de prêts numériques ont acheté 15 % de livres en moins que l’année précédente. Cette tendance s’explique notamment par l’accès facilité à un vaste catalogue de livres via des bibliothèques numériques, ce qui pousse certains lecteurs à privilégier le prêt au lieu de l’achat.

Cependant, l’étude révèle une nuance importante : les personnes qui empruntent des livres numériques sont souvent plus engagées sur le marché du livre que la moyenne de la population française. Elles fréquentent également plus les librairies, prouvant qu’elles restent actives malgré l’essor du e-lending.

Un profil d’utilisateur spécifique

Les utilisateurs du prêt numérique ont tendance à avoir un niveau d’éducation et des revenus supérieurs à la moyenne nationale. Ils sont majoritairement âgés de 30 à 55 ans, ce qui contraste avec la faible adoption de cette pratique chez les jeunes (moins de 25 ans) et les seniors (plus de 60 ans). Ce segment démographique plus aisé dispose de moyens pour acheter des livres, mais préfère souvent opter pour des options économiques, voire gratuites, via le prêt numérique.

Une intensité d’emprunt plus élevée pour les livres numériques

L’un des aspects les plus frappants de l’étude concerne l’intensité d’emprunt des livres numériques par rapport aux livres imprimés. En moyenne, un ebook est emprunté environ 13 fois par an, tandis qu’un livre imprimé n’est emprunté que 5 fois. Cette fréquence accrue s’explique par la facilité d’accès et le format numérique, qui permet une rotation rapide des exemplaires entre les utilisateurs.

L’importance du “fenêtrage”

Le concept de fenêtrage, qui consiste à décaler la sortie des livres numériques après les versions imprimées, joue un rôle central dans les revenus des éditeurs. L’étude montre que cette pratique permet d’augmenter les ventes de livres numériques de près de 10 % et les ventes de livres imprimés de 4 %. Ce délai entre les formats incite les lecteurs impatients à acheter le livre physique dès sa sortie, puis à se tourner vers l’ebook une fois disponible à un prix réduit.

Toutefois, la suppression du fenêtrage pourrait entraîner des pertes significatives pour le marché. Les projections estiment que les ventes de livres numériques diminueraient de 5 à 10 %, tandis que les ventes de livres imprimés subiraient une baisse de 1 à 4 %.

Les perspectives économiques pour les auteurs et les éditeurs

L’impact financier du prêt numérique se fait également ressentir chez les auteurs et les éditeurs. D’un côté, le prêt réduit les ventes directes, diminuant les royalties des auteurs et les marges des éditeurs. L’étude prévoit que les pertes pourraient atteindre entre 5 et 20 millions d’euros par an pour les auteurs, et jusqu’à 75 millions d’euros pour les éditeurs.

D’un autre côté, la montée en puissance des librairies en ligne et des plateformes de prêts numériques contribue à diversifier les canaux de distribution. En 2023, les ventes en ligne représentaient 25 % du marché du livre en France, avec une progression continue année après année.

Conclusion

L’essor du prêt numérique, bien qu’il soit une opportunité pour faciliter l’accès à la lecture, présente des défis économiques pour l’industrie du livre en France. Si les éditeurs et les auteurs voient leurs revenus potentiellement menacés par cette pratique, l’introduction de stratégies comme le fenêtrage peut atténuer ces effets. Une chose est certaine : l’avenir du marché du livre passera par un équilibre entre innovation numérique et préservation des revenus traditionnels du secteur.