Titre : La collision
Auteur : Paul Gasnier
Editeur : Gallimard
Genre : Roman, non-fiction
19 €
Ibsn : 9782073101228
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4ème de couverture/Résumé
En 2012, en plein centre-ville de Lyon, une femme décède brutalement, percutée par un jeune garçon en moto cross qui fait du rodéo urbain à 80km/h. Dix ans plus tard, son fils, qui n’a cessé d’être hanté par le drame, est devenu journaliste. Il observe la façon dont ce genre de catastrophe est utilisé quotidiennement pour fracturer la société et dresser une partie de l’opinion contre l’autre. Il décide de se replonger dans la complexité de cet accident, et de se lancer sur les traces du motard pour comprendre d’où il vient, quel a été son parcours et comment un tel événement a été rendu possible. En décortiquant ce drame familial, Paul Gasnier révèle deux destins qui s’écrivent en parallèle, dans la même ville, et qui s’ignorent jusqu’au jour où ils entrent violemment en collision. C’est aussi l’histoire de deux familles qui racontent chacune l’évolution du pays. Un récit en forme d’enquête littéraire qui explore la force de nos convictions quand le réel les met à mal, et les manquements collectifs qui créent l’irrémédiable.
La chronique de La rédaction
Dans La Collision, Paul Gasnier retourne au point d’impact : l’été 2012, Lyon, une mère à vélo fauchée par un très jeune motard en rodéo urbain. La scène inaugurale, rapportée sans pathos, a la netteté d’un procès-verbal — mais la phrase, elle, porte la chaleur d’une voix qui cherche encore l’air. De ce fait divers naît un livre de deuil et d’enquête, où l’auteur, journaliste, arpente le réel comme on remonte une trace : il recolle les fragments, confronte les versions, fouille les angles morts d’une histoire familiale et sociale que la brutalité a fracturée.
La force du roman tient à son double mouvement. D’un côté, le portrait vivant d’une femme — la mère — dont la trajectoire se redessine au fil des souvenirs, loin des vitrines édifiantes du « récit exemplaire ». De l’autre, l’approche, courageuse, du garçon responsable : non pour excuser, mais pour comprendre l’architecture d’un geste — la chaîne de hasards, de manques, de colères — qui a rendu possible l’irréparable. Cette symétrie fragile, Gasnier la travaille avec une sobriété d’orfèvre, refusant la tentation du pamphlet comme celle de la rédemption narrative. On lit ici un premier roman d’une précision presque documentaire — enquête, auditions, archives, repérages — mais dont la langue reste pleinement littéraire. Gasnier sait poser une image, ménager une coupe, laisser vibrer un silence. Les pages consacrées à la ville (les boulevards, les vitesses, les trottoirs) sont traversées par un sentiment d’époque : celui d’une France où les lignes de faille — sociales, territoriales, médiatiques — s’ouvrent sous nos pas. Le texte, bref, ne se disperse pas ; il concentre. Chaque chapitre ressemble à une pièce à conviction déposée sur la table, mais que l’émotion rend lumineuse.
La réception critique souligne cet équilibre rare entre l’intime et le collectif : comment écrire « sur » sa propre histoire sans s’y engloutir ; comment regarder en face le visage de l’autre — même lorsqu’il est celui qui a détruit. En creux, La Collision interroge ce que peut la littérature contre les récits confisqués par le vacarme politique : reprendre la main, redonner des noms, rétablir des durées. C’est peut-être cette justesse qui a valu au livre d’entrer dans la première sélection du prix Goncourt 2025 — une présence qui confirme l’évidence : on est ici devant une voix, pas seulement un dossier.
Dernier mot : si l’on lit La Collision d’une traite, c’est parce que l’auteur ne cherche ni réparation ni vengeance, mais une forme de paix lucide. Le livre s’achève moins sur une morale que sur une tenue intérieure : tenir ensemble la peine et la nuance, la colère et la précision. On referme ces 150 pages avec le sentiment d’avoir traversé un territoire miné — et d’avoir, malgré tout, retrouvé un peu de sol sous les pieds.
Chronique de La rédaction