Entrevue avec Bernard Anton, professeur et thérapeute québécois à la retraite, auteur de plus de cinquante ouvrages. Son dernier livre Textos Ardents vient de paraître aux éd. Kindle.
Bonjour, vous publiez, après Déconfiture des escobars, une autre pièce de théâtre, Textos ardents.
Oui. Encore du théâtre. Je raconte, cette fois-ci, une histoire d’amour fou en recourant au médium le plus populaire aujourd’hui : le texto. Encore des émotions mises en avant, sur scène. Des émotions qui font chanter le corps, la langue, toujours avec une dominance poétique.
Présentez-nous cette pièce.
J’ai écrit Textos ardents il y a deux ans, comme journal de bord pour consigner ce que je vivais d’une façon intense dans une relation amoureuse. Je ne voulais pas oublier ces belles paroles et réflexions qui grouillaient dans ma tête et dans mon cœur. C’était au départ une nouvelle. Le titre original était Textos galants. Cependant, une amie qui l’a lue m’a dit que la galanterie peut être perçue d’une façon négative de nos jours. Cela réfère à une attitude ou à des sentiments plutôt « précieux ». Ceci n’est pas du tout le cas dans mon texte. Alors, j’ai préféré l’ardeur !
Parlez-nous des personnages.
Les personnages foisonnent dans Déconfiture des escobars qui est une pièce épique et grandiloquente sur la guerre. Ici, c’est plutôt simple et intimiste. Il n’y a que deux amoureux qui expriment en long et en large leur amour. Le troisième et dernier personnage est le fantôme. C’est l’antagoniste, par excellence, qui fait pousser l’action.
Que représente le fantôme, habillé en noir ?
Il représente les embûches, le destin, les difficultés rencontrées sur la route, le trouble-fête, le mal, la mort. Nous ressentons toujours ses traces et ses empreintes, quoi que nous entreprenions. On dirait c’est prévu pour gagner davantage de mérites une fois rendus au terme de notre vie ! Ce n’est pas agréable, mais ça donne du piquant et fait avancer le récit. Il met l’amour sous une tension constante. Il nous tient en haleine. Avec lui, on peut s’attendre au pire.
Qui sont les héros ?
Ce sont deux jeunes amoureux trentenaires qui ont vraiment existé. J’ai changé leur prénom. Norbert, le gars du Nord, est sage et prévoyant. Il est un traducteur. Il rencontre dans un café Lucia, la fille du Sud. Lucia veut dire lumière (du latin lux). Cette professeure d’espagnol est plutôt intuitive et spontanée. Elle a un contrat de travail de six mois dans un pays nordique. Elle découvre, non sans surprise, le froid et la neige.
Tous les deux sont amoureux des mots, du langage, des phrases bien formulées. Leur amour est si fort qu’ils ne peuvent verbaliser leurs sentiments qu’avant ou après les rencontres. C’est juste dans les derniers tableaux qu’ils se parlent directement dans un face-à-face salvifique. Si Norbert semble souvent proactif, Lucia le devient à la fin et posera des gestes héroïques.
La langue est aussi poétique dans cette nouvelle pièce !
Je suis essentiellement un poète. La poésie est mon langage par défaut. Je ne vois pas, pour moi, d’autre langage littéraire que celui poétique, c’est-à-dire créatif, original, imagé, esthétique. En fait, Textos ardents est un poème dramatique ! Un drame poétique ! Le plaisir poétique s’ajoute au plaisir théâtral.
J’aime le passage qui dit : le jardin, les oiseaux et le chat s’ennuient loin de Lucia.
La fin est un peu triste, non ?
Les gens ont de la difficulté avec la vie après la vie et c’est bien compréhensible. Je viens donner un éclairage là-dessus, une possibilité envisageable pour moi. C’est bien d’espérer, de s’attendre à ce que les gens qui s’aiment ici-bas puissent s’aimer pour toujours, même au-delà de la mort. C’en est une illustration plausible, j’espère !
Quelle est votre vision de l’amour ?
Pour faire bref, il y a deux visions de l’amour. 1) L’amour que l’on considère froidement, rationnellement comme un devoir, une prescription, voire une institution où l’on s’aide et grandit ensemble en vue, entre autres, de se caser, de fonder une famille et d’avoir des enfants. 2) L’amour qu’on vit comme une passion, qui est source de plaisir et de joies infinies. Les deux perspectives sont certes complémentaires. Ce serait l’idéal. Moi, dans cette pièce, j’ai privilégié la deuxième voie. À chaque page, j’invite à une réflexion sur la profondeur, la hauteur et la largeur de l’amour.
Ce livre, Textos ardents, est justement le plus beau cadeau que l’on puisse s’offrir à soi-même ou à l’être aimé à la Saint-Valentin ou à n’importe quel moment de l’année. Ça permet de contempler la beauté et la force suprême de l’amour. Ça nourrit notre âme d’amour !
Quel est votre objectif dans cette pièce ?
Comme dans Déconfiture des escobars, ici aussi, mon objectif est, franchement, de montrer, de présenter, de raconter, d’éveiller les consciences. Dans la vie, nous sommes trop occupés à travailler, à vivre, pas le temps de nous arrêter. Au théâtre, c’est le temps d’arrêter et de réfléchir. Des acteurs reflètent nos pensées, nos désirs, nos expériences quotidiennes. Ils nous interpellent. Textos ardents propose un modèle d’amour où l’extase exprimée par des mots simples nous questionne : suis-je capable, moi aussi, d’aller si loin en amour ? suis-je capable de m’investir autant ? est-ce que l’amour m’élève si haut ?
Et la suite ?
Je suis à la recherche maintenant d’un compositeur pour mettre de la musique sur la musique de ces mots ! Il manque l’orchestre, les chanteurs, les planches pour hisser sur scène une telle expérience amoureuse.
Pour en savoir plus sur Bernard Anton : https://www.bernardanton.com/